[Chronique de l’après] Le virus et le métro


C’était il y a un an. À Bruxelles, la campagne électorale battait son plein. On pressentait un axe Ecolo-PS au gouvernement bruxellois. Pourtant, ces deux partis étaient en franche opposition concernant la nouvelle ligne du « métro nord ». Le PS y tenait mordicus et avait multiplié les faits accomplis à la fin de la législature précédente, approuvant les études d’incidence et accordant les permis d’environnement, notamment pour la nouvelle station destinée à remplacer l’arrêt Lemonnier. Pour Ecolo, qui relayait la plupart des critiques des associations environnementales bruxelloises et de nombreux experts, ce projet risquait d’épuiser toutes les marges budgétaires. Plus un euro ne serait disponible pour les aménagements destinés à améliorer le réseau de surface auxquels les Verts étaient attachés.

Cette opposition déboucha sur un accord politique des plus bizarres. Comme aucun des protagonistes ne voulait renoncer, la nouvelle majorité bruxelloise s’engagea… à faire à la fois le métro et les aménagements de surface. Il n’y avait pas d’argent pour faire les deux ? Pas de souci : on allait négocier avec « l’Europe » pour obtenir du bois de rallonge et combler le déficit. Promesse inconséquente et fuite en avant. Il n’y a toujours pas à ce jour le moindre signal que « l’Europe » suive.




Ce désaccord ne portait pas uniquement sur des questions de mobilité, notamment quant aux effets sur la congestion automobile en surface du fait d’enterrer les transports publics. Les écologistes ne se sont jamais retrouvés dans la vieille convergence entre le patronat et les syndicats qui privilégient
 les grands travaux d’infrastructure pour leurs effets de relance économique. Au premier le remplissage du carnet de commandes, aux seconds la promesse de bons emplois. On reconnaît là le compromis productiviste qui fit merveille à une époque où on pouvait bétonner à tour de bras sans se soucier des conséquences à plus long terme. Pourtant, plus récemment, quelques alertes environnementales auraient dû rendre prudent devant les risques systémiques propres aux lourds dispositifs peu résilients par nature. 

Et aujourd’hui, c’est arrivé. Comment imaginer qu’après le lent déconfinement qui s’annonce, il soit facile de persuader les gens de se précipiter dans des rames de métro bondées ? Comment faire respecter des règles de distanciation physique sur les quais aux heures de pointe ? Contrairement au réseau de surface où il est possible de multiplier 
les haltes à peu de frais, le métro concentre les usagers dans un nombre limité de stations, augmentant les risques de contamination. Il faudra faire preuve de beaucoup d’imagination pour convaincre les automobilistes d’abandonner leur véhicule individuel qui leur assure naturellement une bonne distanciation physique, même dans les embouteillages.

Le vélo, partie de la solution


Un réseau de surface dense et léger, renouant avec l’ancienne proposition de l’ARAU des « petits trams partout tout le temps », permettrait plus de souplesse. Mais, surtout, le vélo apparaît désormais comme une vraie composante de l’alternative, et pas seulement comme un sympathique gadget supplétif. Le développement du vélo électrique permet à la plupart des personnes, quelle que soit leur aptitude à l’effort physique, de se déplacer à Bruxelles en toute sécurité. Mais cela demanderait d’importants efforts pour réaménager l’espace public, ainsi qu’une vraie politique publique d’encouragement, comme la mise à disposition de véhicules autonomes dans les parkings de dissuasion situés aux portes de la ville et plus d’espaces pour les garer en toute sécurité. 

Oui, ça demande des moyens. Ceux-ci seront sans doute complètement absorbés par le métro, et pour encore longtemps à cause du service d’une nouvelle dette qu’il faudra sans doute contracter. L’expérience du virus oblige à se poser la question : est-il encore possible d’inverser la tendance ?





henrigoldman@icloud.com


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Commentaires

  1. Je sais, Henri que tu fais du vélo. Moi aussi mais, en chambre, et pas beaucoup. Mais au vu des attitudes des vélocipèdes et autres trottinettes, électriques ou pas, j'aimerais qu'ils et elles (puisque, avec raison, le masculin ne l'emporte plus) prennent un peu au sérieux, aussi bien les piétons et piétonnes qui passent sur les lignes blanches et les trottoirs qui leur sont destinés (masculin ou féminin pour les lignes blanches), que les feux rouges, et les stops à certains coins de rue.

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